Mme Carine NIBAKURE
Soutiendra jeudi 27 novembre 2025 à 14 h 30
Salle des Actes n° 011 à l’Université de Montpellier Paul-Valéry, Site Saint-Charles 1
une thèse de DOCTORAT
Discipline : Études du monde anglophone
Titre de la thèse : Entre deuil et mélancolie : les figures de l'élégie dans la littérature britannique contemporaine
Composition du jury :
- Mme Camille FORT, Professeure, Université de Picardie Jules Verne
- M. Jean-Michel GANTEAU, Professeur, Université de Montpellier Paul-Valéry, directeur de thèse
- Mme Vanessa GUIGNERY, Professeure, ENS Lyon
- M. Laurent MELLET, Professeur, Université de Montpellier Paul-Valéry
Résumé de la thèse :
Si l’élégie s’est traditionnellement définie comme un genre hautement codifié consacré à l’expression de la consolation, cette thèse interroge ses (re)configurations dans la littérature britannique contemporaine. L’élégie est analysée comme mode de représentation du deuil dans ses dimensions éthique, esthétique, expérientielle et relationnelle. Ce travail s’appuie sur un corpus de cinq romans expérimentaux : The Unfortunates de B.S. Johnson, Last Orders de Graham Swift, Destiny de Tim Parks, Quilt de Nicholas Royle et Grief Is the Thing with Feathers de Max Porter. Ces œuvres mettent en crise les conventions héritées de l’élégie et de la pastorale afin de tester les frontières de la représentation d’un deuil parfois fragmentaire et indicible.
Au cœur de l’analyse se déploie une dialectique articulée autour de deux figures : le deuil dit « normal », orienté vers la résolution et porteur d’un espoir de guérison, et la mélancolie, forme pathologique du deuil, qui rejette la consolation. Dans ces élégies, les procédés narratifs expérimentaux révèlent les mécanismes à l’œuvre dans le deuil où la fidélité aux disparus et la transformation identitaire, nourries par la mélancolie, se mêlent à la survie affective que le processus lui-même engendre. Ces dispositifs confrontent le lecteur à l’expérience de la perte.
Ces élégies questionnent l’idée d’un deuil résolu en mettant en lumière la vulnérabilité ontologique, la persistance des disparus dans la mémoire et la spatialisation de la perte à travers des lieux imprégnés de leur absence. Le roman est perçu comme un espace d’expérimentation où le langage élégiaque se disloque pour mieux rendre compte de la détresse de l’endeuillé, des blessures anciennes et du traumatisme, altérant la temporalité du récit et élaborant un palimpseste de fragments mémoriels.
En rejetant le modèle linéaire du deuil, ces récits instaurent une tension entre silence et parole, mémoire et oubli, tradition et modernité. Leurs dispositifs formels, envisagés comme des outils éthiques, matérialisent à la fois la souffrance persistante et l’instabilité de la voix endeuillée. Mais surtout, ces œuvres présentent des modes inédits d’adresse au défunt, aux survivants, au lecteur, ainsi qu’à d’autres formes de vie, notamment les figures animales. Cette ouverture réaffirme une éthique de l’attention au corps en souffrance, incarne une éthique de l’altérité élargie et de la relationnalité, tout en déconstruisant les hiérarchies traditionnelles entre les vivants et en proposant une approche post-humaine de l’élégie.
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While elegy has traditionally been defined as a highly codified genre aiming at the expression of consolation, this thesis interrogates its (re)configurations in contemporary British literature. Elegy is examined as a mode of representing grief in its ethical, aesthetic, experiential, and relational dimensions. This work is based on a corpus of five experimental novels: The Unfortunates by B.S. Johnson, Last Orders by Graham Swift, Destiny by Tim Parks, Quilt by Nicholas Royle and Grief Is the Thing with Feathers by Max Porter. These novels challenge the conventions inherited from the elegy and the pastoral elegy by testing the limits of the representation of a grief that is at times fragmentary and unspeakable.
At the heart of the analysis lies a dialectic structured around two figures: “normal” mourning, oriented towards resolution and carrying the promise of recovery, and melancholia, a pathological form of mourning that rejects consolation. In these elegies, experimental narrative techniques reveal the mechanisms at work in the grieving process, where fidelity to the deceased and identity transformation, nourished by melancholia, intertwine with the affective survival that the process generates. These narrative devices confront the reader with the experience of loss.
These elegies thus question the idea of resolved grief by highlighting ontological vulnerability, the persistence of the departed in memory, and the spatial expression of loss through places permeated with their absence. The novel is perceived as a site of experimentation where the elegiac language dislocates in order to better account for the mourner’s distress, the persistence of old wounds, and trauma, disrupting narrative temporality and elaborating a palimpsest of memory fragments.
By rejecting the linear model of mourning, these narratives generate a tension between silence and speech, memory and forgetting, tradition and modernity. Their formal devices, also considered as ethical tools, materialise both the enduring pain and the instability of the bereaved voice. Above all, they present new modes of address to the deceased, the survivors, the reader, as well as to other forms of life, notably animal figures. This openness reasserts an ethics of attention to the suffering body, embodies an expanded ethics of alterity and relationality, while deconstructing traditional hierarchies among the living and advancing a post-human approach to elegy.







